Soutenez notre atelier de transformation
Après une première vague et une période de confinement gérées avec beaucoup d’énergie, les Banques Alimentaires s’organisent pour faire face à la seconde vague, en s’appuyant notamment sur le plan de relance français et les aides alimentaires européennes. Entretien avec Suzanne Evain, chargée des relations institutionnelles à la Fédération Française des Banques Alimentaires.
Suzanne Evain : Au moment du confinement, les pouvoirs publics ont rapidement débloqué des subventions exceptionnelles pour l’ensemble des associations d’aide alimentaire, d’abord 25 millions d’euros puis 55 millions. Cet argent nous a permis d’acheter des denrées pour reconstituer nos stocks, ce que nous ne faisons jamais d’habitude puisque notre activité repose avant tout sur la ramasse et les dons de denrées.
SE : 0.1% du budget de ce plan de relance sera fléché spécifiquement vers les associations de lutte contre la pauvreté, soit 100 millions d’euros, à travers des appels à projets. Nous ne savons pas encore quelles formes prendront ces derniers, quels critères seront retenus mais il sera question de modernisation d’infrastructures, de projets innovants portés par les associations. Nous avons d’ores et déjà alerté à plusieurs reprises le gouvernement et les parlementaires sur la nécessité d’avoir des appels à projets lisibles et simples à mettre en œuvre pour que les associations puissent se saisir de ces opportunités budgétaires.
SE : Nous y sommes très attentifs car beaucoup de nos bénévoles sont à risques et se mettent en retrait par précaution. L’extension du service civique à 100 000 jeunes supplémentaires est une bonne chose, surtout que nous avons un agrément national au niveau de la Fédération, et plusieurs Banques Alimentaires disposent d’agréments locaux. En revanche, nous sommes plus sceptiques sur le renforcement annoncé du dispositif “Parcours Emploi Compétences” (PEC) qui a remplacé les contrats aidés en 2018 : les critères d’embauche restent trop contraignants, le taux de cofinancement de ce dispositif par l’Etat insuffisant. Nous travaillons à rendre plus lisibles tous ces dispositifs d’insertion par l’activité économique pour que les Banques Alimentaires, au local, se saisissent de ces outils.
SE : Il y a eu une réelle prise de conscience à tous les niveaux de l’importance de l’aide alimentaire – et donc du besoin de soutenir le tissu associatif. Il faut désormais aller au-delà d’une logique de politique uniquement conjoncturelle : les aides exceptionnelles ont été débloquées pour 2020 et 2021 : mais quel avenir après ? C’est un des enseignements que l’on a tiré de la crise de 2008 : à l’époque, 2,8 millions de personnes bénéficient de l’aide alimentaire en France. En 2019, on en dénombre 5,5 millions. Il faut penser la lutte contre l’exclusion et la pauvreté sur le temps long et se poser les bonnes questions dès maintenant quant à la politique structurelle que l’on souhaite mener.
SE : Le 3 novembre dernier, le gouvernement a annoncé la hausse et la pérennisation des aides alimentaires européennes pour le budget européen 2021-2027. Les Banques Alimentaires, les Restaurants du Coeur, la Croix Rouge française et le Secours Populaire sont mobilisés depuis des années pour défendre le maintien du Fonds Européen d’Aide aux plus Démunis (FEAD), instrument irremplaçable de lutte contre la pauvreté en Europe. Ces annonces permettent de sauvegarder une politique d’aide alimentaire pour les sept ans à venir à l’échelle de l’Europe, et de consacrer en France des moyens supérieurs au budget précédent, alors qu’il y a quelques mois encore nous craignions une diminution drastique de ce Fonds.
Les besoins sont en augmentation car de nouvelles catégories sociales, jusqu’à présent épargnées, basculent dans la précarité. Nous le savons, la crise sociale que nous affrontons sera longue et difficile. Ce soutien financier européen nous apporte une première réponse essentielle,qu’il sera nécessaire de renforcer. Nous allons avoir besoin du soutien et de la générosité de toutes et tous pour continuer à faire face à l’aggravation de la précarité et de la pauvreté dans les mois à venir et poursuivre les actions d’accompagnement des personnes.